by Laurent • 3 October 2002 • Non classé
Richard Vance Corben est né en 1940 à Anderson dans le Missouri. Après des études à l’Institut d’Art de Kansas City, il commence à travailler dans l’animation à la Calvin Communications Inc., où il s’occupe surtout de publicité. Parallèlement, il offre quelques uns de ses travaux à des fanzines et commencent à y raconter des histoires en bande dessinée en 1968. Son style graphique y fait merveille et c’est donc tout naturellement qu’il va entrer dans le marché de l’édition underground en publiant principalement des histoires courtes pour les éditeurs Last Gasp et Rip Off Press. Cette période de production intense lui permet de multiplier les expérimentations et de se lancer dans la couleur directe avec une histoire devenue culte : Cidopey ( que l’on retrouvera quelques années plus tard au sommaire de Métal Hurlant n° 1). Réellement révolutionnaire, sa technique de couleur reste personnelle et inégalée.
C’est lors de cette même année, en 1971 qu’il rencontre, lors d’une convention de science-fiction, Jan Strnad qui deviendra son scénariste attitré et quasi-exclusif. Le tandem va ainsi réaliser un grand nombre d’histoires courtes sur de nombreux supports.
En 1970, le premier numéro de Fantagor, magazine lancé par Richard Corben, a été un échec retentissant : trop beau et de trop bonne qualité par rapport au prix de vente. Ne cédant pas aux sirènes des grosses maisons de publications (DC et Marvel), il abandonne néanmoins son emploi chez Calvin et commence à pas mal travailler pour Warren Publishing, dans leurs magazine Creepy, Eerie et Vampirella. Il y perfectionne sa technique de mise en couleur et réalisera environ 400 planches en quatre ans pour ces trois magazines. Il produit énormément d’histoires courtes tout seul ou avec des scénaristes, mais c’est paradoxalement dans une autre production, Grim Wit n°2, en 1973 qu’il crée son personnage le plus connu et certainement le plus emblématique de sa production pour le grand public : Den.
Cette série sur une jeune homme qui se retrouve dans un monde parallèle où il est un géant hyper-muscleux se baladant nu et convoité par des femmes aux seins hypertrophiés est celle qui va apporter à Corben le plus de reconnaissance. L’auteur laisse libre court à ses fantasmes d’adolescents et met en scène un monde qui doit autant à Robert E. Howard qu’il s’en éloigne radicalement par une certaine finesse de propos et de mise en scène. Corben reviendra souvent à cette série qu’il semble affectionner tout particulièrement.
Repris avec sa suite dans le Métal Hurlant français, la première série Den va permettre à l’auteur de toucher un plus large public de connaisseurs et surtout de montrer réellement, grâce à la qualité du papier, ses talents de coloriste. Par un effet boomerang, la série aidera à sa reconnaissance à venir dans son propre pays. Un segment du film d’animation Métal Hurlant sera même consacré à Den et l’affiche américaine le met en scène… revêtu d’un pagne.
Ensuite, la déferlante Corben va arriver en France avec des albums comme Les milles et une nuits, Monde Mutant et Den Seconde époque pour ne citer que ceux là. Des Humanoïdes associés dans les années 80 aux éditions USA pour la décennie suivante, les publications en français continuent sans relâche bien que les tirages ne soient pas extraordinaires.
Depuis quelques années Corben a changé de cap et accepte de travailler pour les gros éditeurs (c’est à dire ceux qui font du super-héros). Il commence chez Dark Horse avec la mini-série Aliens Alchemy traduite chez nous aux éditions de Toth qui publieront aussi le passage du maître sur Hellblazer. En compagnie de Brian Azzarello, il y met en scène John Constantine enfermé dans une prison et se tire de ce projet avec les honneurs même si l’univers développé est aux antipodes du sien. C’est chez Marvel qu’il travaille en ce moment. Après la sortie de Banner, on va le retrouver sur Cage, une mini série sur le super-héros qui a inspiré à un certain Nicholas Coppola son pseudonyme.
Corben est un cas à part de la bande dessinée américaine. Surdoué graphique, il est à l’origine d’une technique de dessin et de mise en couleur complètement personnelle et inimitée (car certainement inimitable). Son statut de dessinateur culte vient de son style reconnaissable entre mille et de son univers personnel qu’il utilise pour raconter des histoires originales. Bizarrement, il semble ne pas avoir une grande influence sur les nouvelles générations d’artistes même si son talent et sa maîtrise technique sont reconnus. A la fois produit d’un certain underground dont il ne fait pas partie, Richard Corben est peut-être en train d’essayer de concilier l’inconciliable en travaillant sur des séries de héros existants et en y apportant sa patte. Le grand fossé entre deux visions de la bande dessinée américain peut se combler de la sorte… ou pas.