by Laurent • 27 August 2003 • Non classé
Entre cinéma et bande dessinée, inutile de choisir. Kevin Smith fait passer ses personnages de l’un à l’autre avec un entrain communicatif.
Jay et Motus Bob n’est pas la première bande dessinée de Kevin Smith traduite en France. On a déjà pu lire son travail dans les premiers albums de Daredevil chez Marvel (dessins de Quesada) et chez Semic avec Green Lantern. C’est donc sur des super-héros appartenant à des compagnies que l’on avait pu voir ses scénarios mis en image.
Ici, on retrouve son univers personnel, avec ses personnages fétiches de Jay et Silent Bob (traduit par Motus Bob). Situé dans le New Jersey, la genèse de ce monde remonte au film Clerks, tourné pour une poignée de dollars et sorti en 1994 après s’être fait remarqué au Festival de Cannes. Kevin Smith y raconte la journée extraordinaire d’un employé d’une supérette. Ponctué de dialogues avec le loueur de vidéos du magasin d’à coté et de conflits avec les deux dealers qui zonent devant le magasin, le remplacement que fait Dante au Quick Stop Groceries (où Smith a réellement travaillé pour payer le film!) ne se déroule pas comme prévu. Dès ce premier essai, le scénariste-réalisateur signe un coup d’éclat en mettant en scène son quotidien romancé et en faisant jouer ses amis devant la caméra. Grâce à des situations scabreuses, des dialogues savoureux et une sincérité sans faille, Smith touche un public jeune qui va lui rester fidèle.
Il continue sur sa lancée et réalise Mallrats (Les Glandeurs, en français) où deux amis passent une journée à zoner dans un centre commercial de banlieue. On retrouve Jay et Silent Bob ainsi qu’une guest-star qui montre tout l’intérêt que Smith montre pour la bande dessinée : Stan Lee. Malgré l’échec monumental du film au box office, Smith sortira d’autres films : Chasing Amy (Méprise Multiple, en français) montre un auteur de comics en proie à une histoire d’amour qui tourne mal. La relation avec la bédé devient ici plus palpable puisque le héros est un dessinateur qui œuvre sur une série appelée Bluntman & Chronic et dont les modèles avoués sont Jay et Silent Bob. Ces derniers apparaîtront d’ailleurs dans les deux autres films de Smith : Dogma (où Matt Damon et Ben Affleck, anges déchues cherchent à contrer Dieu) et Jay et Silent Bob contre attaquent dont ils sont les personnages principaux et qui est une pochade s’attaquant à Hollywood.
Parallèlement, Smith a réalisé des comics reprenant les personnages de Clerks et deux mini-séries avec Jay et Silent Bob. Ses personnages vivent donc des aventures à la fois au cinéma et en bande dessinée. Les interactions sont même plus précises puisque certaines ellipses de l’album traduit ici sont des scènes des films. Par exemple, lorsque Jay et Silent Bob entrent au restaurant pour leur rendez-vous avec le dessinateur de Bluntman & Chronic, la rencontre n’a pas lieu dans la bédé, mais dans le film Chasing Amy.
Kevin Smith parvient ainsi à rendre son univers extrêmement cohérent en multipliant les allers retours entre les deux médias et en jouant sur certains artifices narratifs. Rien de révolutionnaire dans le procédé, mais l’auteur étant aussi passionné de cinéma que de comics, son travail s’effectue dans une sorte de grand écart assez intéressant.
Quant au contenu de l’album, avouons qu’il est moins intéressant que certains films et qu’il est surtout pour Smith l’occasion d’enfiler les blagues scabreuses dans la bouche de Jay. C’est drôle, mais cela ne vole pas bien haut.
Ha, et si vous voulez savoir à quoi ressemble Kevin Smith, c’est facile : c’est lui qui joue Silent Bob…