by Laurent • 6 January 2004 • Non classé
A relire aujourd’hui l’intégralité de La Quête de l’oiseau du temps, on est frappé par quelques évidences. Hormis les choses qui frappent dans l’œuvre elle-même, c’est par rapport à son contexte que la série marque un tournant. Si l’on se plonge dans les planches, on remarque une évolution narrative, plus fluide, moins tassée, et graphique, le style de Loisel se crée sous nos yeux. On se rend compte aussi que, finalement, l’intrigue n’est pas très originale, elle n’est qu’une quête de plus. Le retournement final est trés très bien ficelé, mais l’ensemble de la série ne brille pas par un scénario inoubliable.
Certes, mais à l’époque, le décor est peu commun, la fantasy n’existant quasiment pas dans la bédé franco-belge (à part peut-être Le Cinquième coin du monde de Patrick Marcel). C’est donc en terme d’image et d’imaginaire que la série a marqué les esprits. C’est sans doute là sa plus grande force, mais aussi, par ricochet son plus gros défaut.
En effet, sans La Quête, aurions nous chaque mois des dizaines d’albums de mauvaise fantasy qui reprennent inlassablement les mêmes schémas narratifs et le même terreau imaginaire ? Des éditeurs et des auteurs font leur beurre sur cet héritage en publiant à tour de bras des cycles de fantasy dont la piètre qualité et le manque d’originalité vont bien finir par lasser les lecteurs. Cette dernière assertion est loin d’être sûre car le succès cinématographique du Seigneur des anneaux risque de relancer la machine. L’effet Quête de l’oiseau du temps dans la bédé franco-belge est le même que celui qu’a produit Star Wars sur le cinéma américain des années 80. On ne pouvait plus envisager les films de science-fiction autrement que comme des westerns dans l’espace (étrange régression après le 2001 de Kubrick) tout comme on n’envisage pas de pratiquer une autre fantasy que celle, archétypale, de Tolkien telle qu’elle est utilisée par Le Tendre et Loisel, dans le monde de la bédé française d’aujourd’hui. Qu’on pense à l’évolution qu’a subit le genre aux Etats-Unis depuis Elfquest, avec Sandman par exemple, pour s’apercevoir du gouffre où se situe le genre dans nos contrées.
Il serait sans doute temps, pour les jeunes auteurs français, de brûler leurs idoles…