Genèse: Feuillet de cuivre de Fabien Clavel
by Laurent • 17 September 2015 • Genèse • 0 Comments
Feuillet de cuivre, le nouveau roman de Fabien Clavel sort aux éditions Actusf le 20 octobre prochain (merveilleuse date). Fabien nous détaille le parcours d’un personnage qui le suit depuis longtemps…
Fabien Clavel:
Par rapport à mes autres romans, la genèse de Feuillets de cuivre est originale sur deux points. D’abord, il m’aura fallu quinze ans de maturation. Ensuite, l’histoire s’est construite autour d’un personnage, procédé qui ne m’est pas habituel.
Si je remonte le temps, j’ai écrit mon premier roman en 2001. Encore inédit (mais peut-être plus pour longtemps…), il mettait en scène un enquêteur obèse et plein d’empathie du nom de Ragon dans le Paris de la Belle Époque. Mon idée de départ était qu’il vivait par procuration, dévorant comme un ogre la vie des gens qu’il croisait dans ses enquêtes. C’était déjà un veuf éploré, caractérisé par le manque. J’ai ensuite laissé mon personnage et ai développé son double inversé : l’inspecteur Nogar, un policier extrêmement maigre et sec (au propre comme au figuré). Je l’ai d’ailleurs fait revenir dans une demi-douzaine de mes romans : ce fut mon premier personnage récurrent.
Mais je n’ai pas oublié Ragon. En 2008, en participant à un appel à textes sur les « crimes en imaginaire », j’ai pris l’intitulé au pied de la lettre en montrant un homme tué par un livre. C’est alors que la deuxième caractéristique de Ragon m’est apparue : c’est un lecteur compulsif qui préfère la littérature à la vie.
Plus tard, à l’occasion d’un autre appel à textes pour « l’amicale des jeteurs de sorts » en 2012, j’ai fait revenir mon personnage. La nouvelle a été refusée car trop violente et inaboutie. L’année suivante, j’étais trop fatigué et occupé pour me consacrer à des romans, alors je me suis penché sur des formes brèves. Une série de nouvelles avec Ragon pour héros s’est profilée dans mon esprit. J’ai profité de plusieurs appels à textes sur le « bestiaire asiatique », « à voile et à vapeur », « montres enchantées » ou de « mythologie française » (je ne suis plus certain de ce dernier intitulé). Ces textes ont tous été écrits mais ont connu des destins très différents : l’un a été écrit trop tard, un autre a été refusé (mais on m’a proposé d’en faire une novella), un autre a été publié aux éditions du Chat Noir et un dernier a été accepté mais non publié (à cause de moi).
Entretemps, j’avais trouvé une idée originale pour Ragon. Mon enquêteur obèse et bibliomane devait désormais résoudre ses enquêtes uniquement à travers des livres. J’ai donc convoqué toutes les manières d’intégrer le livre dans l’enquête, m’inspirant notamment d’histoires qui m’avaient marqué par leur utilisation de l’écrit : Le Nom de la Rose, Tiré à part, The Pillow Book, Seven, Ghost Writer… C’est ainsi que j’ai entièrement revu la nouvelle pour « l’amicale des jeteurs de sort » en tenant compte de cette caractéristique qui a transformé le texte.
Et puis, j’ai eu assez de textes pour en faire un recueil de dix histoires. J’ai utilisé le vieux truc des littératures populaires pour remotiver un héros récurrent : lui donner un ennemi, comme Moriarty pour Holmes ou Sholmès pour Arsène Lupin. J’ai donc repris à l’été 2014 une troisième phase d’écriture mais, cette fois, avec le projet d’en faire un roman. Les autres nouvelles ont donc été travaillées pour former une sorte de double de la première série et de révélateur aussi. J’ai pu récupérer la nouvelle qui avait été prise pour une anthologie (je remercie d’ailleurs l’anthologiste de sa compréhension). Cela m’a amené à approfondir de nouveau la nature de Ragon.
Maintenant que Feuillets de cuivre est sur le point de sortir, je n’ai pas l’impression d’en avoir fini avec ce personnage et j’ai encore d’autres enquêtes à lui faire vivre.
Feuillet de Cuivre sera bientôt disponible sur le site de son éditeur (et partout ailleurs).
On me souffle également que l’ouvrage pâtit d’une préface d’Etienne Barillier. Dommage.
Dans Genèse, un écrivain revient sur la création de son dernier livre. Auteurs, éditeurs, pour participer, vous pouvez me contacter: laurent@laurentqueyssi.fr