J’ai dansé à Dublin
by Laurent • 16 November 2015 • Non classé • 1 Comment
Comme il y a quelques mois, passés la stupéfaction et l’effroi, je n’ai rien à dire qui n’a pas été formulé de manière plus sage ou plus belle ailleurs. Nous sommes tous touchés, de manière plus ou moins intime, plus ou moins dure, par les événements de vendredi.
Et comme je n’ai rien à dire de plus, je vais parler d’autre chose. Si ça peut faire sourire un ou deux d’entre vous, j’aurais fait mon job.
Ce week-end, j’étais à Dublin. Ma brune m’avait offert un week-end surprise pour mon anniversaire. Au menu, visite de la ville, Trinity College, fish and chips, Guiness et visites des librairies. Vendredi soir, après un excellent repas dans un pub, nous avons découvert, stupéfaits, les premières alertes sur nos téléphones puis sur Skynews qui passait les images de BFM TV en direct.
Le lendemain, la visite de la ville s’est déroulée, comme il se doit, sous la pluie. Quel plaisir d’admirer les manuscrits médéviaux du Trinity College. Sans parler de la Long Room, ce rêve de bibliothèque (décidemment, après une visite chez l’ami Francis Saint-Martin quelques jours auparavant, c’était la semaine).
Tu peux te rhabiller, Francis.
Nous avons même découvert, au hasard d’un showcase chez un disquaire, un jeune chanteur plutôt bon. Malgré tout, ce qui se passait à Paris restait dans nos têtes. Les enfants, que l’on aurait aimé serrer dans nos bras, étaient loin.
Puis le soir, pendant le concert des Stylistics, au Vicar Street, nous avons réussi à oublier tout ça. Les Stylistics, j’adore. Je les ai découverts dans un roman de George Pelecanos, son personnage Derek Strange en est fan. Mais avant ça, je crois que j’en avais jamais entendu parler. On est dans de la soul 70’s, style Delfonics, ce genre de musique dont Tarantino a usé et abusé dans ses BO. Ce que j’ignorais, en revanche, c’est que les Stylistics ont cartonné au Royaume-Uni. Ils ont enchainé les hits dans les années 70 et ont donc, là-bas, une popularité démente chez les jeunes de 60, 70 ans.
Dès les premiers pas dans le bar de la salle de concert, nous avons compris que la soirée serait étrange. Moyenne d’âge 65 ans (pour être sympa), choucroutes et sosies de Moorcock à tous les étages. J’ai, un instant, ressenti l’horreur, d’un adolescent embarqué de force dans une croisière du troisième âge.
La salle de concert proprement dite, c’est ça:
Des minuscules tables et des tabourets partout, nous nous retrouvons donc à côté d’un couple de Dublinois d’un âge certain prénommés, je ne déconne pas: Fulbert et Bernadette. Fulbert, quand il arrive, il a des lunettes. Mais quand il les enlève pour la photo, je me dis, mais merde, c’est Mike Ehrmantraut de Breaking Bad.
Fulbert and Bernadette, I kid you not.
La première partie est assurée par les Sugarcubes. Ouais, carrément. Les Sugarcubes.
Les fans de Bjork ont haussé un sourcil, là, mais non, ce ne sont pas les mêmes Sugarcubes. C’est un groupe de baloche spécialisé dans les mariage, mais attention, pas n’importe lequel, le meilleur groupe de mariage d’Irlande. Et vas-y que je te joue Ain’t no Mountain high enough, du Toto chiant et autres tubes pour danser. Je vais pisser et me commander une autre lager.
Pour trois morceaux, ils font monter une diva locale qui réjouit les vioques autour de nous. Bernadette a l’air ravie de la voir.
Quand les Stylistics montent sur scène, nous passons dans la quatrième dimension. Nous comprenons vite qu’il s’agit d’un nostalgia act. Le public connait toutes les paroles, chante, se lève et danse et le spectacle est millimétré sur scène. Backing band de jeunes loups impeccables, pas de danses chorégraphiés par 48 ans d’expérience. Ca groove. C’est beau.
Le groupe passe tous les ans à Dublin, nous expliquent nos nouveaux amis, et le show est toujours le même. Le couple était déjà là, l’année dernière, mais ils s’éclatent tout de même comme des fous. A un moment, Fulbert me prend par le coude et m’oblige à me lever. Il faut danser, maintenant.
Je me marre. La musique est super. Les gens rayonnent de bonheur, redeviennent jeunes. Nous oublions où nous sommes, ce qu’il se passe ailleurs.
Un seul truc me tracasse: un des trois claviers ressemble bougrement à Rurik Sallé.
Putain, mais c’est lui.
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