• Genèse: La Fenêtre de Diane de Dominique Douay

    by  • 10 September 2015 • Genèse • 0 Comments

    C’est la rentrée et aussi le moment de tenter des choses, de se lancer dans des nouveautés. Voici donc Genèse, une nouvelle série dans laquelle des auteurs nous parlent de l’origine de leur dernier livre, de l’élément déclencheur, du point de départ ou de la grande idée derrière leur nouvel ouvrage (idée piquée à John Scalzi dont j’apprécie beaucoup la rubrique).

    Pour cette première Genèse, je laisse la parole à Dominique Douay qui nous parle d’une belle rencontre, en prélude à son nouveau roman intitulé La Fenêtre de Diane.

    Dominique Douay:

    Si je n’avais pas rencontré Régine Deforges, je n’aurais peut-être jamais tenté d’aventure littéraire. C’était il y a près d’un demi-siècle, j’avais fait sa connaissance au cours d’un cocktail mondain et, à peine présenté, je l’avais bassinée avec mes désirs d’écriture. Sa patience avait des limites ; au bout d’un quart d’heure, elle m’avait congédié avec un : « Plutôt que d’en parler, si vous écriviez vraiment ? Adressez-moi un manuscrit, je vous promets de le lire. » Elle dirigeait alors une petite maison d’édition, l’Or du Temps, spécialisée dans l’érotisme, et qui à cette époque de puritanisme gaullien, lui avait valu de nombreux procès. J’écrivis à la va-vite un petit roman où une trame fantastique servait de support à des scènes que j’estimais torrides. Ce ne fut pas son avis : au bout d’une semaine, je reçus un longue lettre manuscrite où elle m’exposait qu’elle n’avait été émue à aucun moment de la lecture, ce qui était tout de même gênant s’agissant d’un texte supposé enflammer la libido des lecteurs. Par contre, me disait-elle, l’histoire me paraît ne pas manquer d’intérêt. Peut-être pourriez-vous la retravailler et la proposer à un éditeur spécialisé dans l’imaginaire ?
    Je me précipitai sur cette suggestion. Remis en chantier une bonne dizaine de fois, le roman finit par plaire à Jacques Sadoul qui le publia chez J’ai Lu sous le titre L’Echiquier de la Création.
    La dernière fois que je vis Régine Deforges, c’était vers le milieu des années 90. Elle s’enquit poliment de mes travaux littéraires en cours et daigna s’attrister (elle était vraiment très polie) de ma désaffection pour l’écriture. « Peut-être avez-vous épuisé les plaisirs que la science-fiction pouvait vous procurer, me dit-elle en substance. Et si vous m’écriviez quelque chose ? Je publie toujours de l’érotisme, vous savez. »
    A ce clin d’œil à mes débuts littéraires laborieux, je dus répondre par une boutade ou une promesse dont ni l’un ni l’autre n’étions dupe. Les années s’accumulèrent sans m’offrir la chance de la rencontrer à nouveau.
    Comme dans toute passion, après une longue période de désamour, je me mis à regretter les plaisirs que j’avais connus avec la SF. Mais ce fut long, douloureux. La distance prise avec la science-fiction était telle que je pensais ne plus pouvoir en écrire. Je me souvins alors de ma dernière rencontre avec Régine Deforges. L’érotisme était à présent relégué au rang de curiosité de salon ce qui lui conférait une sorte d’élégance aristocratique. Je me mis au travail – et ce qui m’était arrivé quelques décennies plus tôt se reproduisit. Le récit reprit sa liberté, m’entraînant vers des rivages qui ressemblaient fort à ceux de la SF.
    Hélas ! Le résultat était aussi impubliable que mon tout premier roman, et la nouvelle du décès de Régine Deforges m’aida à tirer la conséquence de cet échec : ce manuscrit termina son existence ratée dans un tiroir. Mais l’époque des désamours était révolue. Le plaisir de l’écriture était revenu, avec lui le désir de décrire le monde tel que le vois de ma fenêtre. Une fenêtre qui ne peut, qui ne doit pas exister. Celle de Diane, bien sûr.

    La Fenêtre de Diane est disponible sur le site de son éditeur, Les Moutons électriques.
    Un grand merci à Dominique Douay pour avoir essuyé les plâtres de fort belle manière.

    Dans Genèse, un écrivain revient sur la création de son dernier livre. Auteurs, éditeurs, pour participer, vous pouvez me contacter: laurent@laurentqueyssi.fr

    About

    Leave a Reply

    Your email address will not be published. Required fields are marked *