• by  • 16 May 2003 • Non classé

    Semic publie en un album les numéros 13 à 16 de la revue The Authority Mark Millar et Frank Quitely s’offrent un déboulonnage en règle de certains super-héros. Appréciable à plusieurs niveaux, la bande demande une certaine connaissance de l’histoire du genre pour en cerner tous les aspects. Tentative de décryptage.

    The Authority est la série fille de Stormwatch. Ce titre créé sous le label d’Image Comics en 1993 n’a guère connu de notables débuts, tout au moins jusqu’en 96, date à laquelle, Warren Ellis débarque au scénario à partir du numéro 37 où il introduit déjà le personnage de Jenny Sparks. Stormwatch devient alors une bande de super héros adulte où les obsessions d’Ellis s’intègrent peu à peu dans un univers fictionnel qu’il va finir par contaminer. Il y crée Apollo et Midnighter, deux héros inspiré de Superman et Batman et ouvertement homosexuels, ce qui lui vaudra des articles à ce sujet dans la presse généraliste. La série s’arrête au numéro 50 et redémarre aussitôt au numéro 1. Dix épisodes plus tard, dans le numéro spécial Wild C.A.T.s / Aliens, Warren Ellis fait massacrer une grande partie de son équipe dans un bain de sang mémorable. La série s’arrête alors définitivement, mais est reprise sous le nom de The Authority, qui comprend une équipe qui reprend quelques éléments de l’ancienne et la même équipe créatrice : Ellis et Brian Hitch.

    Stormwatch black, l’équipe des missions underground, est réunie par Jenny Sparks pour fonder ce nouveau groupe de super-héros dont le QG est un vaisseau en orbite autour de la Terre et dont le nom est : The Authority. Une autorité supérieure aux nations qui combat les menaces que les armées ne peuvent endiguer comme ce savant fou chinois, décalque de Fu Manchu qu’Ellis met en scène dans les premiers épisodes. Au bout de 12 numéros, les auteurs quittent le navire après avoir fait de la série quelque chose de jamais vu : du cinémascope en BD, de l’action inimaginable en widescreen, bref en donnant une autre ampleur à la bande dessinée de super-héros classique.

    L’album que nous propose Semic ce mois-ci reprend les numéros 13 à 16 de la série américaine et marque les débuts de Mark Millar et Frank Quitely. Pour bien comprendre les événements de cet arc (histoire dans l’histoire qui se conclut en quelques numéros), il faut savoir que Jenny Sparks, l’esprit du 20e siècle est morte et que son remplaçant, l’esprit du 21e (comme les choses sont bien faites !) vient de naître. Evidemment, nous sommes au tournant entre les deux millénaires et l’équipe d’Authority ne se doute pas encore qu’elle va devoir récupérer l’enfant dénommé Jenny Quantum. Pour le moment, les héros, dorénavant menés par Jack Hawksmoor, font chuter un dictateur et accueillent des milliers de réfugiés à bord de leur vaisseau. Ils deviennent des stars que les médias s’arrachent, mais vont vite devoir combattre une autre équipe pour les empêcher de s’emparer du nouveau né dont l’importance dépasse encore tous les personnage. Voilà pour les prémices…

    Comme beaucoup de séries actuelles post-modernes, il existe un sous-texte aux aventures que vivent les membres d’Authority. Pour un non-initié, cet album décrit l’affrontement de deux équipes de super-héros qui cherchent à récupérer un enfant. On y trouve de la violence assez extrême, des viols, du sang, de l’amour, des larmes, des phrases chocs et des explosions graphiques assez jubilatoires. Le dessin de Frank Quitely (qui sera, plus tard, recruté par Marvel pour œuvrer sur les New X-Men avec Grant Morrison) utilise un découpage simple, mais tente de donner à chacune de ses cases un impact et une force peu commune. Le résultat ressemble à un film à grand spectacle en technicolor et bourré d’effets spéciaux et s’éloigne de la bédé de super-héros classique.

    Pourtant, on n’assiste à rien de révolutionnaire et c’est encore une fois dans sa tendance à s’adresser aux initiés que l’album prend tout son intérêt. Depuis Watchmen, en effet, bon nombre d’auteurs pratique cette utilisation d’un sous-texte relié à l’histoire de la bande dessinée américaine. La mythique série d’Alan Moore et de Dave Gibbons pouvait être lue comme une parabole de l’évolution des comics et, depuis, d’autres ont repris ce procédé et notamment Ellis dans Stormwatch ou Planetary.

    Ici, Mark Millar veut signifier qu’il en plus qu’assez des super-héros qui ne servent qu’à maintenir un statu quo au lieu d’essayer « vraiment » de faire de la planète un monde meilleur. Et pour cela, il ne fait pas dans la dentelle. Le groupe qu’il oppose à son équipe est un décalque des Vengeurs de la Marvel, mais des Vengeurs pervers et amoraux, dont le leader, un Captain America vêtu de kaki, viole Appolo avant d’être puni par la où il a pêché par un Midnighter assoiffé de vengeance. L’équivalent de Giant Man voit d’abord ses jambes réduites en poussières, puis son crâne éclaté, traversé par un Appolo volant à toute vitesse. Cette case ultra-violente à d’ailleurs subie la censure de l’éditeur DC car on lui a appliqué un filtre rouge pour la rendre moins lisible. Après la débâcle de cette équipe, ce sont des pseudo-X-Men qui sont envoyés combattre l’Authority et des centaines de super-héros créé par un homme dans un projet gouvernemental top secret. Le nom de ce personnage est Jacob Krigstein et son modèle est le roi des comics : Jack Kirby. Quoi de plus logique en effet que le plus grand créateur de super-héros du 20e Siècle crée, dans un univers où ces héros existent réellement, toute sorte de vraies personnes munies de super pouvoirs.

    Mark Millar fait ici plus qu’un clin d’œil aux initiés, il donne une autre résonance à son album. Avec une fin inattendue, il reste même fidèle à l’esprit de Kirby que l’on aurait pu croire trahis par un début assez surprenant.

    Mais ne comptez pas sur moi pour vous gâcher la surprise. Munis de ces quelques éléments permettant une meilleure compréhension, à vous d’aller lire ce récit et de pénétrer dans un univers où les super-héros à papa sont archi-dépassés…

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