• by  • 16 June 2003 • Non classé

    Frédérik Peeters livre un album de science-fiction totalement atypique. Du jamais lu à faire découvrir pour ouvrir de nouveaux horizons.

    Lupus de Frédérik Peeters est sorti il y a quelques mois déjà, mais même avec un peu de retard, nous ne pouvions passer à côté de ce livre aussi atypique qu’intéressant. L’auteur en est un jeune Suisse né en 1974 dont Les Miettes, scénarisé par Al Rabin, nous avait déjà ravit.

    Ici, Peeters signe les script et les dessins d’une drôle d’histoire qui mêle science-fiction et histoire d’amour pour finir par intégrer une touche de drame et de thriller.

    Tout débute par l’arrivée de Lupus et Tony, deux amis d’enfance en vacances, sur Norad, une planète où ils vont pouvoir assouvir leur appétit de pêche et de drogues. Après s’être ravitaillé en produits planants, ils vont entrer dans un bar pour échapper à la pluie acide. C’est à ce moment que Lupus va craquer pour Sanaa qui va lui demander de l’emmener avec lui. C’est ainsi qu’un trio va se constituer et passer quelques jours sur la côté escarpée des pitons, endroit réputé pour la pêche…

    Vous le voyez, on est loin de l’album de science-fiction standard, celui dont nous voyons passer 10 exemplaires chaque mois et dont les différences serait moins longues à énumérer que les doigts d’une main. Et pourtant, il s’agit bien de science-fiction. Les deux personnages principaux se baladent dans l’espace à bord d’un vieux vaisseau conteneur et se font des vacances gonzo à la Fear and Loathing in Las Vegas. Peeters utilise un décor de space-opera, mais se place plus dans l’esthétique low-tech ; il s’abstient d’utiliser des idées nouvelles, mais parvient pourtant à ne pas faire du côté SF un simple arrière-fond. Les personnages sont les fruits de l’univers décrit et ne fonctionneraient pas transposés dans notre présent. Et c’est là où, justement, Lupus devient un tour de force, dans cette adéquation entre le propos et sa forme. Un tel triangle amoureux est, somme toute, une situation assez classique, mais Peeters transcende ce point de départ en l’adaptant au genre dans lequel il veut l’intégrer. C’est donc à une histoire d’amour peu banale que nous avons à faire. Elle s’inscrit dans un cadre où elles n’ont d’habitude peu droit de citer et s’y épanouit parfaitement jusqu’à un final renversant qui change la donne et pourra faire bouger le cap pour le second volume.

    Peeters réussit un album de science-fiction qui parvient à entrer dans l’intime. Il prouve ainsi sa maîtrise du 9° art et l’efficacité de son trait et de son découpage. Son noir et blanc reste toujours au niveau de ses personnages et les décors ne sont jamais utilisés dans de grandes cases faites pour l’esbrouffe (ce qui n’est pas le cas dans la majorité des bandes de SF ou de fantasy actuelles). Le point de vue est focalisé sur l’action et les expressions des personnages. La balade dans la ville est en ce point symptomatique. Peeters ne nous laisse entrevoir qu’une infime partie de l’architecture de la cité, préférant se concentrer sur ses protagonistes. Un choix justifié, judicieux et malheureusement trop rare dans la bande dessinée moderne.

    Avec Lupus, Frédérik Peeters prouve qu’il peut toucher à tous les genres avec bonheur et qu’il parvient aussi, chose plus rare, à les dépasser pour en faire un hybride assez personnel. Un très bon album dont le souvenir tarde à s’effacer.

    Et cela, c’est de plus en plus rare…

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