• by  • 20 November 2003 • Non classé

    Emmanuel Guibert dessine le témoignage de Didier Lefèvre sur son reportage photographique en Afghanistan en 1986. Une bande dessinée forte et passionnante qui mélange dessin et photo.

    L’histoire est simple : Didier Lefèvre est un photo-reporter, parti faire un reportage en Afghanistan en juillet 1986. Il suit une équipe de Médecins sans frontières, son appareil photo en bandoulière.

    Aujourd’hui, il raconte son histoire à Emmanuel Guibert qui en fait une magnifique bande dessiné qui s’appelle, bien évidemment, Le Photographe. Lefèvre en est le narrateur et c’est à travers ses yeux que l’on suit le périple de ces médecins qui traversent une partie du pays en guerre pour soigner sa population. Au delà du témoignage, c’est la prouesse narrative qu’il convient d’aborde de célébrer. En effet, les auteurs parviennent à mélanger photos et dessins avec talent. Guibert joue avec les clichés de son ami et les immisce au milieu de l’intrigue. L’intrication entre les deux modes graphiques est très bien réalisée et permet des effets assez saisissants. Pas besoin pour le dessinateur de représenter ce que voit le photographe, il peut donc se consacrer à ce que son ami n’a pas pu imprimer sur sa pellicule. Ainsi, l’alternance, comme sur la page 6 est fluide, presque naturelle et ce, malgré la différence de supports. On voit même Lefèvre en photo lorsqu’on le « fusille » (l’expression est de lui) pour lui faire une blague. Seule différence entre les deux supports : les clichés ne sont pas couverts par du texte comme peut l’être une case « normale ».

    Le photographe prouve donc que l’alliance entre dessin et photo est possible dans une bande dessinée et même qu’elle enrichit le langage propre au genre.

    Après la forme, il faut bien parler du contenu qui est tout aussi intéressant et pertinent que le mode de narration. Lefèvre raconte donc une vraie aventure, celle qu’il a vécue avec une équipe de Médecins sans frontières. Il parle des préparatifs, des rencontres, des habitants, du pays, de la marche et des chevaux, bref, il livre un récit de voyage dont l’intérêt est double. Il est un témoignage sur ce genre de missions humanitaires et il témoigne de la situation en Afghanistan dans les années 80.Ici, on ne parle pas du « sort de la population », mais plutôt de personnes individuelles qui essayent de survivre, malgré la faim, les maladies et la guerre. On apprend les manœuvres que certains font pour survivre et on découvre les protections que doivent utiliser l’équipe de Médecins sans frontières pour arriver à bon port. Bref, on se rend compte des dangers que recèle une telle expédition et on suit la bande dessinée comme un vrai reportage, complément de celui, photographique, de Lefèvre. Après Sacco et Davodeau, voici donc une troisième voie, une autre façon de traiter le reportage en bédé et surtout, voici une excellente bande dessinée…

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