• by  • 23 March 2006 • Non classé

    Transformations (1971-2001)

    Les années 70 vont être le début d’une époque de grands changements pour l’Homme d’acier. De petites transformations en immenses bouleversements, la vie du personnage va être chamboulée plus d’une fois. Novateurs ou artificiels, ces changements vont susciter soit l’engouement, soit la désaffection d’une partie du public.

    Julius Schwartz, le nouvel editor du titre Superman, veut rompre avec la vision de son prédécesseur. Il décide de rendre le personnage plus humain en prenant plusieurs décisions. Dorénavant, la kryptonite ne servira plus comme arme ultime (et ainsi d’astuce narrative) et les robots ressemblant à Superman seront bannis. De plus, Clark Kent ne va plus être un journaliste du Daily Planet mais va travailler à la télévision. Ces changements émanent aussi du scénariste principal engagé par Schwartz : Dennis O’Neil. Associé à Neal Adams aux couvertures et à Curt Swan et Murphy Anderson aux dessins, le nouveau venu va rendre Superman un peu moins puissant pour pouvoir, selon lui, écrire des histoires plus intéressantes. Cette période va durer un an au bout duquel le scénariste va quitter la série, ne se sentant pas très à l’aise. De son côté, Schwartz va se voir freiné par la direction de DC et va retourner vers le type d’histoires qu’avait développées son prédécesseur Weisinger. De jeunes et talentueux scénaristes (Cary Bates, Elliot S ! Maggin) remplacent O’Neil sur Superman alors que dans Action Comics, sur lequel Schwartz n’a aucun pouvoir, les aventures se poursuivent dans la continuité de la période précédente : on y trouve parfois des robots et une idéologie plus rétrograde s’y fait sentir.
    Petit à petit, Superman va rentrer dans le moule : Clark Kent va réintégrer le Daily Planet et la kryptonite va à nouveau faire effet. Au milieu des années 70, tout est revenu comme avant et c’est au cinéma que Superman va se remettre à faire parler de lui.

    Créé par…

    Alors que la préparation d’un film sur l’homme d’acier fait grand bruit, les deux créateurs du personnage vont essayer une nouvelle fois d’obtenir une part du gâteau. Tous les deux âgés d’une soixantaine d’années, ils sont dans une situation difficile. Siegel est greffier dans un tribunal de Californie et Shuster, presque aveugle, garde la maison de son frère. Tous les deux se plaignent de l’erreur qu’ils ont faite de vendre les droits de leur personnage. Des journalistes s’emparent de l’affaire et des créateurs, à la tête desquels se trouve Neal Adams, se mobilisent pour aider les vieux artistes. Le bruit fait autour de ces réclamations tend à transformer les cadres de la Warner (dont DC est une filiale) en des personnes plus compatissantes. Ils estiment que quelque chose doit être fait, même s’il n’y a pas d’obligation légale. Ainsi, Siegel et Shuster touchent une pension annuelle de 25 000 dollars chacun (et ce jusqu’à leur mort: Shuster en 92 et Siegel en 96) et sont mentionnés en tant que créateurs à chaque apparition du personnage. L’éternelle revendication s’achève donc ainsi, sur une note positive, non sans avoir mis sens dessus dessous le monde de l’édition et sans avoir réveillé chez certains artistes du monde des comics des vocations de redresseur de torts.

    Alan Moore

    D’avril 85 à mars 86, une révolution s’opère chez DC. Crisis on infinite earth est un cross-over géant dans lequel tout l’univers de l’éditeur va être remis à plat. En effet, il était devenu quasi impossible de se repérer, même pour un lecteur averti, parmi les terres parallèles et les différentes versions des personnages. Pour Superman, Schwartz, qui va quitter son poste, décide de finir en beauté et de livrer la dernière histoire du personnage. En effet, il veut offrir au lecteur la fin de la série qu’il anime depuis 15 ans et que Curt Swan dessine depuis 30. Ce final est donc, selon la volonté de Schwartz, l’occasion de faire croire à la conclusion d’une histoire qui existe depuis 1938.
    Un scénariste sort alors du bois et supplie Schwartz de le laisser écrire cette histoire. Il s’agit d’Alan Moore. Son travail sur Superman, Whatever happened to the man of tomorrow ? sortira le même mois que le premier numéro de sa série Watchmen. Comme d’habitude, il s’agit là d’un travail d’exception effectué par le scénariste anglais magnifiquement secondé par le vétéran Swan. Ce final dépeint le siège de la forteresse de solitude, montre la mort de personnages importants de l’univers de Superman (Luthor, Brainiac, Lana Lang, Jimmy Olsen) pour finir sur un Homme d’acier qui a perdu ses pouvoirs et vit sous un nouveau nom en compagnie de Loïs Lane. Le mythe s’achève donc lorsque le personnage devient enfin humain, comme si toute l’histoire de Superman avait été celle de l’adoption d’un étranger et de l’adaptation de celui-ci à la vie sur Terre. Moore fait mourir Superman en tant que héros et lui offre une existence normale comme récompense pour services rendus à l’humanité. La fin de Superman est donc une superbe histoire pleine d’émotions et de sentiments qui a laissé une marque dans le cœur des lecteurs. Pour autant, l’aventure va se poursuivre… avec un nouveau départ.

    John Byrne

    Un cycle s’est achevé avec la fin créée par Alan Moore, la place est donc libre pour faire repartir le personnage à zéro. Andy Helfer, le remplaçant de Schwartz, charge John Byrne de retravailler les origines de Superman. Le Canadien, devenu une valeur sûre depuis son passage sur les X-Men, va s’attacher à redéfinir le concept du plus célèbre des super-héros dans une mini-série de 6 numéros (débutée en juin 86) : The Man of steel (dont la traduction française est disponible depuis peu par souscription chez Semic). Byrne ne révolutionne pas le personnage mais lui fait un lifting qui passe, avec le recul, pour une réussite. Dans cette nouvelle version, les parents de Kent ne meurent pas et Superboy n’existe plus. De plus, la personnalité du journaliste n’est plus celle d’un homme coincé et peu sûr de lui : Clark Kent est le vrai protagoniste et Superman n’est qu’un déguisement. Finalement, cette version doit beaucoup au film qui en reprend plusieurs éléments dont le design de la planète Krypton, froide et stérile. John Byrne donne un version plus actuelle d’un personnage vieux de presque 50 ans mais ne révolutionne pas pour autant le fond de Superman, qu’il va cesser de scénariser et de dessiner en 88.
    Helfer quitte vite son poste pour être remplacé par Mike Carlin. Ce dernier crée deux nouvelles séries (Superman est retitré The adventures of Superman pour pouvoir repartir au n°1 et Superman : The man of steel débute en 91) et ainsi, avec quatre titres, les lecteurs peuvent retrouver une histoire de l’Homme d’acier chaque semaine. L’idée du nouvel editor est de relier tous les titres par le biais d’une histoire globale, dont la suite n’est pas dans le même titre mais dans un autre comic-book de Superman qui paraît la semaine d’après. Ainsi, et malgré les problèmes de gestion humaine que cela implique, la cohérence du personnage est maintenue.
    Mariage ou mort?

    Le numéro 50 de Superman est le théâtre d’un des plus grands changements depuis le début de l’existence du personnage : Clark Kent y demande Loïs Lane en mariage. Celle-ci dit oui et les lecteurs médusés sont alors bien obligés de prendre cette éventualité au sérieux, d’autant plus que Clark livre le secret de son identité secrète à sa belle. L’équipe de Carlin a, en effet, décidé d’unir les deux personnages.
    Pour autant, tout ne va pas se passer comme prévu. L’apparition de la série télévisée Loïs et Clark, basée sur la persistance du trio amoureux, va perturber la bande dessinée. Chez DC, on pense qu’il serait préférable de retarder le mariage pour le faire correspondre à celui de la série. Il faut donc, pour l’équipe créatrice, trouver d’autres intrigues là où aurait dû avoir lieu le mariage. C’est ainsi qu’un événement sans précédent va se produire : Superman va mourir !
    Face à un nouvel et mystérieux adversaire, Doomsday, il va livrer son dernier combat et pousser son dernier souffle après avoir une fois de plus sauvé l’humanité dans Superman 75. Ce numéro scénarisé et dessiné par Dan Jurgens n’est composé que de cases de la taille d’une planche comme pour donner une plus grande ampleur à ce combat mythique. On pourrait déplorer que la mort de Superman soit le résultat d’un combat brutal et pas le fait d’un adversaire à l’intelligence égale à celle du super-héros. Cependant, le traitement de la mort de cette icône moderne a été bien exécuté et la psychologie a été rendue d’une manière très fine par rapport aux standards habituels du genre.
    Le lecteur de comics, habitué à voir ses personnages favoris mourir puis renaître, se doutait des plans de DC mais pas les journalistes qui ont relayé la nouvelle autour du monde prenant la disparition de Superman pour argent comptant. Le résultat de cette publicité a été la vente de Superman 75 à plus de 6 millions d’exemplaires. Les funérailles du héros ont, elles aussi, bien marché et l’homme d’acier n’a fait son retour que des mois plus tard, après l’apparition de quatre nouveaux héros (un par titre) qui étaient là pour le remplacer.
    Les plans initialement prévus vont finalement avoir lieu et en septembre 96, Clak Kent va épouser Loïs Lane. L’histoire qui aurait dû durer un an va durer un mois et le mariage va ainsi être sorti du placard et avoir lieu simultanément dans les pages de la bande dessinée et à la télévision. Le personnage de Loïs va donc prendre une place plus importante dans la vie et dans les aventures de son mari.

    Changements

    En novembre 96, une nouvelle série, Superman Adventures voit le jour. Elle est basée sur le dessin animé éponyme et est scénarisée par Scott McCloud (auteur de la référence incontournable sur le 9è Art : L’art Invisible). On y retrouve des histoires en un épisode, fleurant bon l’âge d’or, attirant de nouveaux lecteurs ou de vieux fans nostalgiques.
    En avril 97, sous l’impulsion de Joey Cavalieri le nouvel editor, Superman est transformé en un être d’énergie pure. Il change de costume et de pouvoirs. Il va aussi vite que la lumière, passe à travers les objets et se laisse traverser par les balles. Son alter ego Kent est vulnérable, ce qui laisse la possibilité pour de nouvelles histoires, notamment celles tournant autour de la découverte de ses nouveaux pouvoirs. Pour compliquer un peu plus le tout, le personnage va se diviser en deux : il y aura donc un Superman bleu et un Superman rouge. Après le sacrifice de l’énergie de ses deux entités, le héros est de retour sous son apparence de toujours, à temps pour fêter son 60è anniversaire. Cette péripétie ne laissera pas un souvenir impérissable tant le manque d’inspiration a semblé évident lors de ces transformations. La tentative de renouvellement n’a pas fonctionné et aujourd’hui, les scénaristes (Joe Casey, Jeph Loeb, Joe Kelly et Mark Schultz) travaillent, sous la houlette de l’editor actuel Eddie Berganza, sur les bases de toujours : ils se permettent même des écarts avec la vision du personnage qu’a définie John Byrne. Actuellement, Lex Luthor est, dans la bande dessinée, président des états-Unis, ce qui laisse présager des dilemmes moraux pour Superman. De plus, les auteurs promettent une superbe histoire pour cet été. Superman est donc toujours vivant et poursuit ses aventures avec, ces jours-ci, une qualité autant scénaristique que graphique, qui n’avait plus été atteinte depuis bien longtemps.

    En France

    Superman a fait son apparition en France en 1939 sous le nom de Yordi. Publié dans le magazine Aventures, il change de nouveau de nom lorsqu’il est traduit dans Spirou (Marc, hercule moderne). Dans Hurrah ! il s’appellera Superman. De 1976 à 1983, il bénéficie de plusieurs titres : Superman Poche, Superman Géant chez Sagédition. Ces épisodes correspondent, pour l’essentiel, à la période durant laquelle Julius Schwartz a été editor. On retrouve ainsi l’histoire d’Alan Moore dans un numéro de Superman Poche.
    Chez Futuropolis, les premiers strips de Siegel et Shuster ont été publiés dans un format à l’italienne. Quelques albums ont vu le jour chez USA éditions.
    Actuellement, on retrouve Superman dans des périodiques Semic, souvent associé à d’autres personnages. Par exemple, en juin, l’Homme d’acier partageait une aventure avec les Quatre Fantastiques sous les crayons de Dan Jurgens. Soleil vient de rééditer Superman paix sur Terre par Paul Dini et Alex Ross. De plus, en juillet, Semic sort le premier tome de la version française de Superman for all seasons, une relecture du mythe par deux auteurs à la sensibilité européenne.
    Superman, bien que trop souvent absent de nos bacs, arrive à se frayer un chemin de temps en temps et parfois par le biais d’autres titres (comme JLA, par exemple, chez Soleil). Les lecteurs français ont néanmoins, sur leurs homologues américains, un retard impossible à combler. Il reste à espérer que les éditeurs hexagonaux ne nous priveront pas, à l’avenir, des faits marquants de la vie de cette icône du 20° siècle qu’est devenu Superman.

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