• Neuromancien

    by  • 12 October 2020 • Non classé • 4 Comments

    La nouvelle traduction de Neuromancien est donc sortie la semaine dernière au Diable Vauvert. Si on m’avait dit un jour que je traduirais ce chef d’œuvre et que le résultat serait publié le même mois que l’intégrale des nouvelles de Dick pour laquelle je me suis occupé du paratexte chez Gallimard – excusez du peu – je crois que… non, personne n’aurait pu me dire ça parce que c’était carrément inenvisageable.

    Et pourtant…

    Cela a toutefois failli ne jamais arriver. C’était il y a deux ans (ou trois, je ne sais plus), aux Utopiales. En fin de mâtinée, je croise Marion Mazauric, la boss du Diable, qui sort du palais des congrès où a lieu le festival pour aller fumer dehors. Elle me propose de la suivre, histoire de papoter. Ce que nous faisons. Nous parlons des travaux en cours et des travaux à venir. Et elle me fait part de son envie de faire retraduire le Neuromancien de William Gibson, ce chef d’œuvre absolu que je vénère. Et ma première réaction est de lui répondre : « Il faudrait être dingue pour se lancer dans un tel boulot. » Je ne me rappelle plus de sa réaction. Rien de spécial, dans mon souvenir. Et nous en restons là. Je le pensais vraiment. Quel taré allait oser se confronter à ce texte qui a tout changé ? Qui allait tenter de redonner à lire ce roman à côté duquel beaucoup étaient passés, en France ?

    Au fil de la journée, je repense à ce dont Marion m’a parlé. Beaucoup. Retraduire Neuromancien, quand même. Merde. Et pourquoi pas ? Si je ne le fais pas moi, ce sera quelqu’un d’autre. Quelqu’un de compétent, sans doute, qui aura osé. Qui n’aura pas reculé devant la stature du texte et qui aura pris un petit risque.

    J’en parle avec Etienne Barillier et en lui expliquant la teneur de la discussion avec Marion, je me rends compte qu’elle ne me parlait pas de faire retraduire Neuromancien comme ça, parole en l’air, mais qu’elle me proposait probablement de le faire.

    À moi.

    Je venais de bosser pour elle et elle paraissait contente du boulot. Elle m’avait confié le dernier roman de William Gibson. Alors pourquoi pas le premier ?

    Et moi, comme un con, j’avais décliné. Sans réfléchir, sans même me poser la question de savoir si je me sentais capable de m’attaquer à la bête.

    Il fallait rectifier ça. Si je refusais de le faire, j’allais m’en mordre les doigts. Je m’en rendais bien compte, maintenant. C’était clair.

    Le soir même, nous sommes samedi, a lieu le cocktail des Utopiales, le petit buffet pour les invités qui suit la remise des prix. J’aperçois Marion et je fonce la voir. Elle parle sans doute avec quelqu’un d’autre, mais je m’immisce. Et je lui annonce :

    « Tu sais, à propos de Neuromancien, si tu m’en as parlé pour me le proposer, je n’avais pas compris. Mais si c’était bien le cas, c’est d’accord. Je veux bien le faire. »

    Je ne sais plus ce qu’elle m’a répondu exactement, sans doute quelque chose comme « d’accord, très bien, on fait ça », et puis elle m’a adressé un sourire qui faisait office de pré-contrat. Elle paraissait contente.

    Moi aussi. Sans doute un peu emprunté aussi, devant l’ampleur de la tâche. Mais une fois lancé…

    Le résultat est dans les librairies, désormais, sous une magnifique couverture. Certains d’entre vous l’ont déjà dans les mains. D’autres l’ont dévoré. J’ai fait de mon mieux. J’espère que ça permettra à ceux qui l’avaient loupé à l’époque de redécouvrir ce grand roman. Ce roman révolutionnaire.

    Dire que j’ai failli ne pas le faire.

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