• Correspondant Local

    by  • 4 February 2021 • Non classé • 0 Comments



    J’avais cette idée de roman noir depuis longtemps. Un cadre, quelques situations, mais guère plus. Un embryon dont il ne reste presque rien dans la version finale. Mais écrire un polar me travaillait, je sentais qu’il y en avait un en moi. Je savais qu’il se déroulerait dans un microcosme dans ce Sud-Ouest suintant et fatal qui me semblait n’attendre que ça. Mon East Texas, mon Arkham, mon Derry. Et si Allison prenait place dans l’équivalent de Shermer, Illinois (comme l’a joliment fait remarquer Nicolas Beaujouan), ce livre devrait plutôt tendre vers Vigàta. Je n’avais plus qu’à piocher dans une infinie galerie de portraits et le reste suivrait.

    Me manquait le protagoniste, le personnage point de vue, le narrateur. J’ai alors repensé à ce stage que j’avais fait vers seize ans, alors que je cherchais encore ce que j’allais faire de ma vie et que je savais déjà – sans vraiment le savoir – que l’écriture y jouerait un rôle. J’avais suivi un journaliste de l’hebdomadaire local pendant une semaine ou deux ; il m’avait emmené « couvrir » le grass-track annuel et séchait parfois le boulot pour regarder le Tour de France avec un collègue. Je me suis surtout rappelé de la soudaine frénésie qui s’était emparée de lui lorsqu’il avait appris, un soir, une grosse arrestation de trafiquants de came dans la région. L’interrupteur était direct passé sur « on ». Il fallait garder ça. Le calme et la tempête.

    Loud Quiet Loud.

    Mon protagoniste est devenu le correspondant local d’un grand quotidien régional. Ce type bien intégré dans le tissu local, que tout le monde connaît et qui connaît tout le monde, mais que son rôle de chroniqueur oblige parfois à faire un pas de côté. J’ai tout de suite trouvé sa voix. Et je suis parti avec lui, sans plan, même vague – contrairement à mes habitudes – et je l’ai suivi jusqu’à la fin, au bord de la Garonne.

    J’ai rédigé le livre pendant une période difficile sur le plan personnel et je ne l’ai jamais lâché. Il ne m’a jamais lâché. Je crois qu’il m’a fait du bien, qu’il m’a aidé à tenir comme ce petit projet secret en arrière-plan vers lequel je pouvais me tourner pour me sortir de l’içi et maintenant.

    Correspondant Local n’est désormais plus mon petit projet secret. C’est un bel objet, disponible en librairie. On en parlera et on le dédicacera quand on pourra. J’espère qu’il va démarrer une nouvelle vie avec vous.  

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